Alger avait perdu de son insolente hauteur. Ses crêtes vallonnées se diluaient dans l’épais brouillard vicié qui l’étouffait. Alger se drapa définitivement de noir. La mer se teinta de grisaille. Le ciel sombra dans une obscure monotonie comme un soupir étranglé.
Une peur terrifiante rongeait les cœurs acculés par le spectre impitoyable de la mort dont les tentacules acharnés envahirent tous les espaces où la vie s’exprimait. Le deuil enfonça profondément ses griffes acérées dans chaque contrée.
Traqués en permanence par la main glaciale de la mort portée par la Horde des hirsutes, les visages se crispèrent. Nul n’était à l’abri de la furie meurtrière des mutants de la Horde qui rivalisaient en monstruosité et en horreur. Le crépitement des armes à feu finit par dominer le brouhaha de la Cité augurant à chaque instant autant de drames invisibles.
La joie s’exila. Les cimetières, sortant de leur ataraxie, s’animèrent. La vie communautaire s’expatria vers les nécropoles et s’y installa durablement.
Dans ce désordre de cendres, de ferrailles et de pneus carbonisés, l’image apaisante de Yasmine m’enveloppait de son adoucissante aile protectrice. Elle était, dans ce monde subitement trouble et incertain, mon sanctuaire de sérénité. Le refuge de mon esprit malmené et torturé.
Les jasmins qui bordaient le chemin tapissé de fleurs immaculées, flocons neigeux épars que nous avions foulés la veille, ravivaient en moi leurs encens mirifiques, enivrants. J’avais encore dans ma bouche insatiable le goût sucré de son rouge à lèvre, la douceur de sa sève revigorante échangée furtivement et qui coulait enfin dans mes veines.
Yasmine troublée, posait délicatement ses petites mains ouvertes en éventail sur son ventre, comme pour dérober ces atrocités au fœtus qui frémissait en elle.