Le temps passait lentement et la nuit se faufilait à travers les deux esprits en tissant le silence qui étalait sa robe dense autour du couple qui se parlait par connivence. Les mots silencieux les entouraient de leur délicatesse en ajoutant à leur union une touche mystérieuse. Deux étrangers, diamétralement opposés, réussissant la plus belle des symphonies de la vie, à l’abri de tous les vacarmes du langage, se partageaient la plus simple des existences. Le temps placide et imperturbable se glissait entre les deux êtres non pour les séparer, mais au contraire pour consolider leur ménage en resserrant entre eux le lien du mariage. C’est le génie du lit qui en un tournemain scella les deux cœurs pour le plus beau des tangages. Enfin, le nid plein de nouvelles vies entonna de merveilleux ramages. Il est des moments où la parole devient éphémère comme cet instant où chacun, tapi dans le cagibi secret de son âme, souhaitait à autrui le bonheur absolu. Aux alentours de minuit, ils se sont plus que parlé en s’échangeant la lettre et l’esprit du fameux édit dans de jolis atours. Ils ont visité les rares donjons et les riches palais en arpentant les généreux empans des hautes plaines et des basses vallées. Ils ont entamé un magnifique voyage à bord de l’ouate bleue de l’amour pour atterrir dans le doux plumage du désir. Enveloppé tel un objet onéreux et fragile, le couple s’abandonnait enfin aux bras tendres et bienfaiteurs du sommeil dont l’injonction ordonnait à la nuit qui veillait de prendre soin du merveilleux cadeau.

Igor savait, lui aussi, qu’Ameera allait devoir se lever, car le temps, la pudeur, la vertu et la décence l’appelaient. Même les chuchotements sont renvoyés ; on ne tolère ni frou-frou ni balbutiement. Aucun chuintement ne doit souligner le sujet débattu ni à haut ni à bas débit. Tout doit être confiné dans les pourtours argentés de la sagesse et la correction. Il aurait aimé lui parler afin de se défaire de son trop-plein de suie. Il aurait aimé partager avec elle sa peine et ses soucis. Elle lui aurait sans l’ombre d’un doute emprunté son oreille et dédié son esprit, malheureusement, le moment était mal choisi et les circonstances étaient défavorables.

Ameera remua quelque peu dans son lit, mais ne se leva pas, tout juste si elle émit un petit soupir. Igor s’interdit tout mouvement pour ne pas la déranger, puis roula sur le côté pour observer celle qu’il chérissait de toutes ses forces s’enfoncer de nouveau dans un sommeil paisible et profond. Il la trouvait de plus en plus belle comme si le temps, tombé sous le coup de son charme, lui ajoutait chaque fois un peu de sa finesse. Elle rayonnait du haut de ses trente-cinq printemps en éclairant les nuits affolées et affolantes du ciel afghan ô combien terrifiant !