« Car vivre dans un monde où nul n'est pardonné, où la rédemption est refusée, c'est comme vivre en enfer. »

Milan Kundera

Pour une autre vie

Londres, 1880.

Wallace Hunt, caïd impitoyable et manipulateur, règne sans partage sur les quartiers défavorisés de la capitale. Will, un de ses hommes trahi dans ses idéaux et rêvant d’un nouveau départ, décide de se retourner contre lui. Mais au cours d’un braquage sanglant, il échappe de justesse à la mort. Désormais traqué par son ancien patron, seul contre tous, il va entraîner dans son sillage les êtres les plus hideux des bas-fonds.

Et comprendre que dans ce monde-là, on ne s’offre pas de nouvelle vie sans en payer le prix.

EXTRAIT :

« Je me doute de qui est Victor. La plupart des maisons de passe engagent souvent un ou deux gaillards histoire de faire respecter l’ordre. En général, en échange d’un lit pour dormir et de divers avantages en nature.

  Peu importe, de toute façon il faut que j’avance.

  Mon engueulade avec la pute de l’entrée a rendu curieuses les autres. Depuis la cuisine où elles sont toutes rassemblées, elles m’observent et chuchotent entre elles. Jeunes ou d’un âge plus avancé, elles semblent toutes marquées par la vie. La plupart sont bouffies par l’alcool et portent des marques de coups sur les bras.

  Je fais quelques pas dans le couloir près de l’entrée. Le sol colle sous mes pieds. Les murs eux-mêmes suintent d’humidité. Tout dans cet endroit transpire la crasse.

  J’entends la fille au sale caractère qui revient. Je reconnais son pas. Elle est accompagnée. Elle apparait au côté d’un type plutôt solide et me pointe directement du doigt :

  – C’est lui, dit-elle, explique-lui comment ça marche ici.

  Le gars me lance un regard menaçant et fait un pas dans ma direction. Je mets une ou deux secondes avant de le reconnaitre.

  Victor Flanagan.

  Un ancien boxeur, il y a dix ou quinze ans de ça. J’ai dû voir trois de ses combats, un sacré cogneur. À l’époque, c’est Wallace Hunt en personne qui m’y emmenait. Pour me récompenser lorsque j’ai réussi les premiers boulots qu’il m’a confiés, et aussi parce qu’il disait toujours que ce genre de sport forge le caractère. Que je devais m’en inspirer.

  Original, quand on sait qu’il truquait lui-même la plupart des combats.

  Flanagan n’est certainement plus l’homme qu’il a été. Un costaud certes, mais vieillissant et trainant en chaussons dans l’arrière-salle d’un bordel des docks. Il a dû prendre vingt kilos depuis son passé de sportif, et les marques de son visage trahissent les excès d’une vie de débauche.

  Cependant un boxeur reste un boxeur et ses yeux, eux, n’ont pas changés. Deux petites perles noires qui me fixent avec intensité. Flanagan est désormais à mon niveau. Il respire fort et est imbibé de bière. Il n’a pas l’air d’avoir dessaoulé de la nuit. »