S’interroger sur les choses de ce monde requiert au bout du compte de « penser le monde » d'une façon ou d'une autre, implicitement, ou mieux, explicitement. Pour le penser « aujourd’hui », il faut bien sûr avoir en tête les diverses facettes de la culture humaniste des quatre derniers millénaires, mais aussi et surtout, tenir compte des avancées scientifiques du XXe siècle, celles notamment qui ont bouleversé notre vision des choses et du temps, et ce, de l’extrêmement petit à l’extrêmement grand. Dans ce cadre, « aujourd’hui » nous rappelle aussi qu’en ce début du XXIe siècle, on est bien loin de la fin de l’histoire des sciences. Peut-on faire l’économie de toutes ces réflexions et de leur impact en particulier sur tout ce qui concerne le vivant ? Certes oui, mais il ne faut pas alors s’étonner que la plupart de nos soi-disant « valeurs », celles sur lesquelles sont fondées nos vies et nos institutions, s’avèrent bien souvent dans les faits en contradiction flagrante avec la réalité de ce que nous sommes vraiment, même en devenir. De même qu’Épicure au IVe siècle avant notre ère liait physique et éthique, l'auteur, à la manière de Lucrèce (le grand admirateur d’Épicure), analyse à la lumière de la physique quantique les questions complexes de la connaissance et du comportement individuel ou collectif, de l’organisation sociale et d’un possible bien-vivre humain. Cette démarche a guidé l’élaboration de cet ouvrage scientifico-philosophique qui est un moderne De rerum natura fondé sur l'inversion de l'allégorie platonicienne de la caverne : la pénombre tapie au fond de la nature en est le réel et la lumière extérieure de sa surface l’apparence. Les titres des dix points abordés sont les suivants : L'émergence de la pensée chez les hominidés - La faille béante de la chose en soi - Les représentations fondamentales - Aux forges cosmiques de la gravitation - L’électrodynamique quantique du vivant - L'évolution des représentations - La violence du vivant - Les harmonies de la Nature - Croyances et spiritualités - Penser et agir dans une fraternité de l’inabouti. Le lecteur trouvera dans cet ouvrage un exposé très pédagogique des notions fondamentales issues de la révolution scientifique, et en découvrira le contrecoup sur nos idées et nos représentations. L’instabilité sinon la fantaisie du quantique entraîne un autre regard sur le mal, la violence et les désordres de la Nature et de l’humain, les inégalités, le paranormal ou l’inattendu : sommes-nous totalement déterminés et nos idées de volonté, liberté, responsabilité, égalité, progrès … ne sont-elles que de vains mots ? Elle jette un soupçon supplémentaire sur la formation du jugement et de la pensée, et suscite le pessimisme sur notre maîtrise de la civilisation : un retour par la science au tragique ! Heureusement, l’auteur discerne dans ce sombre tableau, quoique minoritaires et partielles, quelques lueurs d’espoir. Les potentialités du quantique peuvent aussi générer des réalisations harmonieuses dans tout ce qui touche à l’art, à la spiritualité ou aux vertus. L’évolution, des hominidés à l’homme d’aujourd’hui, où l’épigénétique inscrit ces réalisations, fonde déjà cet espoir. Et l’humble chercheur, qui sait que nous ne connaissons probablement que moins de cinq pour cent des choses de la Nature et du vivant, et qui fait au doute une très large place, exprime pour finir, en homme, une attente. À la fois musicien sensible aux « interactions émotionnelles », et scientifique pénétré de « la beauté des mathématiques » et de la physique théorique, l’auteur croit en effet en une « réaction systémique » contre les ressorts dévorants de notre modernité technique pour inscrire peu à peu dans notre patrimoine génétique de nouvelles harmonies. Enfin, le riche concept d’« inabouti » et la belle image giralducienne de l’aurore rejoignent une allégorie inspirée par Homère à Hésiode, celle de la jarre qui, tous les maux échappés, renferme encore l’elpis, l’attente ou l’espérance.