Le noble et sa noblesse

Vers l’An 1700, peu après la révocation de l’édit de Nantes, un mystérieux cavalier se prétendant philosophe s’écarte de son chemin et s’arrête dans un château habité par un comte excentrique et une comtesse désoeuvrée et ingénue. Tandis que les gens de maison batifolent, un jardinier, amoureux platonique, idéalise la future Révolution française. Sous les mots imagés et sur fond de faux-semblants, un complot politique et religieux se trame. L’amour triomphera-t-il d’entre tous les sentiments ou succombera-t-il à d’autres ressentiments ?

Ecrit en prose et en alexandrins. Existe aussi en roman sous le titre « L’être et le paraître ».

- Lorsque je sème une graine, je sais toujours à l’avance le fruit qu’elle va donner. Avec toi, je n’en connais pas même la plante.
- La plante est peu de choses sans ses racines.
- A-t-elle besoin de ses racines pour montrer ce qu’elle est ?
- J’en suis convaincu.
- Si j’avais un herbier, je crois que je devrais le feuilleter sans jamais pouvoir m’arrêter.
- Peut-être as-tu déjà tourné la page.
- Elles se ressemblent toutes, mais pas une de mes figures ne possède tes caractères.
- Alors, ton herbier est incomplet car je suis une racine à moi tout seul.
- Qu’espère trouver cette racine dans ce pays aride et au climat hostile ?
- Ce que toute racine a besoin pour survivre.
- Ici les gens ne donnent rien. Ils prient et ils attendent.
- C’est déjà beaucoup pour suivre son chemin.
- Son destin, plutôt !
- La Parque ! Ce n’est qu’un mot miraculé de l’antiquité, mais qui n’a plus guère de sens aujourd’hui.
- Sans doute à tes yeux car tu erres en vain.
- Crois-tu au destin ?
- Certes, je ne suis pas jardinier pour la bonté de je ne sais pas qui. Cependant, j’y crois encore.
- La destinée ! Pour les besoins de la cause ! J’oubliais : voici notre régicide en herbe ! - je devrais dire notre idéaliste omniscient. Tu ferais mieux de te hâter avant que notre bon vieux roi ne meure de vieillesse !
- Ce n’est pas la vieillesse qui aura raison de lui, c’est son peuple.
- Comment peux-tu l’affirmer ?
- L’Histoire ne lui appartient pas.
- Crois-tu qu’elle t’appartienne ?
- Elle n’a pas à être possédée.
- Pourtant, tu voudrais être son bras unique pour infléchir son cours. Tu te leurres : l’Histoire est une hydre, une pieuvre dont chacune de ses maintes tentacules emprisonne un homme inconscient. Crois-tu que ce monstre hybride agite ses membres un à un ?
- Toi, tu vois ce qui paraît ; moi, je vois ce qui est.
- Et qu’est-il ?
- Il est ce qu’il est ; il est ce qu’il doit être, notifie-t-il avec fermeté.
- L’Histoire se bâtit sur des individus sans conscience.

Le jardinier itinérant se retourne.
- Vous m’avez demandé, monsieur le comte ?
- Non non.
Il semble embarrassé par son quiproquo, lorsqu’il parvient à hauteur de son employé.
- Je pensais trouver notre invité. As-tu vu Philo, à tout hasard ?
- Il volait.
- Il volait ?… Que volait-il donc ?
- Des intrigues.
- Quoi ? Je ne comprends rien à tout ce charabia.
- Il n’y a de charabia que pour les gens volages ou sans amours.
- Que connais-tu à l’amour, toi ?
- Aimer est sans danger ; l’amour, un jeu risqué.
- Hé ! hé ! Je le crois aussi.
- Bien des femmes ont piégé, de tout temps, des héros que l’on sous-entendait invulnérables.
- Hé ! hé ! Je croirais m’entendre parler. Tu peux disposer.
Le jardinier prend formellement congé de son employeur.

Elle enserre tendrement de ses bras les jambes de son galant.
- Voilà que je vous aime tout comme je vous hais.
- Haïssez-moi.
- Je ne peux.
- Alors, aimez-moi.
- Non plus.
- Mais de grâce, madame, décidez-vous.
- Aimez-moi.
- Pourquoi le ferai-je ?
- Haïssez-moi.
- C’est impossible.
- Je me meurs !…
La comtesse s’affaisse sur le sol.

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