Un cirque rencontre des difficultés financières. Les animaux s’inquiètent pour leur nourriture, mais cherchent surtout à comprendre ce qui se passe, et en viennent à discuter d’éléments d'économie, de commerce, et de marketing. Les artistes, quant à eux, ne comprennent pas pourquoi il n’y a pas davantage de spectateurs, ils condamnent la concurrence, et rêvent de notoriété.
Extrait :
Après la sieste, les animaux en liberté se retrouvèrent au centre de la ménagerie. Ils avaient oublié le sujet de la discussion et chacun attendait qu'un autre reprenne le fil de la conversation. Le raton laveur prit soin d'arriver en retard. Il se plaça devant la cage du lion, car le lion attire naturellement les regards, tout en gardant prudemment une certaine distance,et leva le museau.
—Camarades, congénères et amis, dit le raton après avoir jeté un coup d’œil circulaire, c’est avec des billets que le directeur achète les salades !
Cela, cependant, tous le savaient, car ils avaient vu autrefois cette entrée de clowns dans laquelle un âne défèque de gros billets de banque. L’auguste faisait de tels sauts de joie que son nez rouge lui tombait sur le menton. C'est alors qu'ils avaient compris que ces billets pouvaient être échangés contre d’énormes satisfactions. Ce que personne n'avait saisi, en revanche, c'est pourquoi, après que le clown blanc avait lavé ces billets, il ne lui restait entre les mains que des morceaux de papier blanchi.
—Il faut bien distinguer les vrais billets des faux, fit doctement remarquer l'autruche.
—De toutes façons, les augustes sont toujours contents ! dit l'ours.
Il avait à l’esprit la danse de l’auguste devant le caca si particulier de l’âne.
—Ce qui nous manque, reprit l'autruche, ce sont de vrais billets.
Le raton laveur sentit qu'il pouvait pousser plus loin le raisonnement :
—Pas seulement pour acheter des salades et des carottes, mais aussi de la paille et du foin !
Quand il parlait fort, son accent américain revenait.
—Et même la viande, dit un tigre.
Le raton laveur fut étonné de la facilité avec laquelle les tigres avaient assimilé ces questions compliquées. Il ne put s'empêcher de dire : « Si les tigres ont compris, c'est que c'était vraiment facile ! ».
—Oui, mais d'où viennent les billets ? fit l’éléphant qui réfléchissait à cela depuis au moins une quarantaine d'années.
Le chimpanzé ne laissa pas le temps au raton laveur de répondre.
—De la poche du directeur ! dit-il fièrement. Il y a beaucoup de choses dans sa poche ! ajouta-t-il.
Cette réponse ne sembla pas satisfaire l’éléphant, qui pourtant ne savait pas comment reformuler sa question. Il expira bruyamment ; le souffle vint décoiffer le raton laveur.
—Et quelle main a mis les billets dans la poche du directeur, fit le zèbre en haussant les sourcils ?
—Aha ! dit l’éléphant, reconnaissant la question qu’il souhaitait poser. Oui, qui a mis les billets dans la poche du directeur ?
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