Je crois avoir toujours aimé ce moment où la nuit tombe. Adolescente, j’aimais en être une spectateur attentive. Ressentir ce malaise face à la subtile déliquescence du jour. Braver cet insignifiant vertige. Ça faisait souvent monter en moi, sans que je ne sache vraiment pourquoi, des relents de révolte contre le monde entier. Une envie de tout casser. Détruire tout ce qui fait du bien aux gens heureux. Briser tous les amours du monde. Salir tous les ciels bleus avec de gros nuages noirs. Polluer toutes les plages de sable blanc. Tuer tous les oiseaux qui font vos printemps plus chantants et des poèmes stupides pour vos enfants.

Ça durait un fugace instant et puis la nuit engloutissait toute ma putain de vie et elle me rassurait. Elle marquait une pause dans ce monde que je haïssais. A chaque instant du jour, j’attendais la nuit. A 29 ans, je n’ai plus rien envie de détruire. Mais le matin, j’attends toujours le soir. J’ai toujours un nœud dans le ventre. Perpétuellement. Un peu comme si j’étais condamné à vivre.