Ce livre appelé "La Femme délaissée" comprend deux nouvelles. La première, contemporaine, relève du genre dramatique. L’aventure, la cruauté ainsi que le cocasse s’entremêlent et semblent dominer mais le cri glaçant de la tragédie finira par éclater avec ses tonalités vindicatives et sanguinaires.
Pierre, cadre dirigeant, homme d’affaire de l’industrie pharmaceutique, souvent cynique et lâche, est accompagné au cours de ses périples par deux enfants qu’il a adoptés et par Georgia une humble femme russe taiseuse qui lui importe lorsqu’elle le sert ou le satisfait. Lorsqu’il devra surmonter l’épreuve cruciale, Pierre la verra et la considèrera enfin comme une personne à part entière, la découvrira endurante à supporter les souffrances morales, qui ne se rengorge pas, ne cherche pas son intérêt. Mais elle ne sera pas toujours convenable, n’excusera pas tout et ne supportera pas tout.
La seconde nouvelle "L’Insurpassable" est une comédie dramatique. À Londres dans les années soixante du XIXe siècle, deux ballerines s’affrontent pour la renommée et la gloire. L’une sérieuse, de haute volée, l’autre fantasque, gauche, divertissante, mais ne doutant pas d’elle-même. Elles vont monter en scène devant un public anglais clanique, apte à l’enthousiaste comme à la perversion, et subir ou satisfaire une presse distante ou suiveuse à sa convenance. Simultanément leurs maris, sont en profonde rivalité scientifique et en désaccord deux ans après la parution du détonnant De L’origine des espèces de Charles Darwin. Ils mesurent bien l’importance pour leur prestige de la réussite de leur épouse respective et l’un d’entre eux ne se privera pas de coups bas pour tenter de faire basculer le destin. Tels sont certains des ingrédients versés dans ce cruel chaudron. Qui va gagner et à quel prix ? N’est-ce pas parfois une sorte de folie qui peut mener au succès, à la démesure, prodrome d’un effondrement ultérieur ?
Ajoutons à propos du darwinisme que, contrairement à ce que prétendent plusieurs personnages, dans la lutte pour la vie l’agressivité n'est qu'un facteur et il n'est sans doute pas l'essentiel. Comptent autant, sinon plus, la capacité à s'adapter à son environnement et comme le rappelle le Pr Laborit dans le film "Mon oncle d'Amérique", savoir fuir à bon escient pour survivre si c'est la stratégie la plus intelligente.
Lacan énonçait : la réalité c'est quand on se cogne. Ensuite il y a plusieurs moyens de surmonter les épreuves. Les pires réactions (mais qui peuvent s'expliquer par l'histoire de chacun) ce sont l'hébétude, la paralysie, l'inhibition, le refoulement qui conduisent à la dépression. Mais il existe encore un autre moyen de persévérer dans son être, vertigineux, dangereux, frisant la folie que va glorifier une de mes deux héroïnes.