L'ÉQUILIBRE

Les personnages d’Henri Girard, souvent pitoyables, restent tellement humains dans leurs faiblesses ! Si différents les uns des autres, ils cherchent tous désespérément un point fixe dans ce monde sans repères. Comme ce suicidaire qui, à peine sorti de l’hôpital, retombe entre les bras de sa compagne mal-aimée, comme ce tout juste quinquagénaire dont on ne sait rien sauf qu’il se reproche d’avoir volé des pots de confiture et voilà qu’il finit allongé sur le canapé d’une psychanalyste, comme ce noble ruiné vivant en S.D.F. dans son château désert, cet apprenti comédien englouti et désincarné dans la tourmente post-soixante-huitarde… Quoi de surprenant si certains d’entre ces antihéros se trouvent inaptes à saisir les propos de leurs interlocuteurs : d’une manière « soft » dans le cas de cet employé qui, lors d’une réunion d’entreprise, ne comprend rien à la langue de bois de ces supérieurs, ou bien totalement, comme cela arrive à ce passager de métro qui se fait aborder dans une langue extra-terrestre par un gamin.
On repère pourtant dans ce monde en délire quelques signes d’espoir, à travers les personnages qui refusent de se laisser aller et qui résistent. Leur chef de file, c’est Adolphe, père d’une fille en fugue, qui, tout en attendant un miracle, prend soin d’un troupeau de sans-abri. Il y a aussi Graine d’Hévéa, le “ mulâtre ” contorsionniste qui connaît la formule magique du tout-équilibre. Non seulement il arrive à s’immobiliser dans des positions pas possibles, mais il se montre même capable de stabiliser une jeune fille des plus vulnérables…
L’odeur de l’absurde, commune à tous ces textes, fluctue, de la petite dose à la rafale de mitraillette rasant les dernières traces du réel. Le voleur de confiture précité expie ses péchés sur le divan d’une psychanalyste avant de sauter les pieds joints, lui et sa thérapeute, dans un pays de conte de fées semblable à celui d’Alice, pays où toute transmutation est possible.
Henri Girard qui avoue volontiers son “ irrésistible envie de gribouiller des mots ” est un auteur à forte imagination. Tout en nous menant en bateau, il tient l’ancre fermement entre ses bras. Ses histoires frôlant souvent le non-sens ne manquent pas pour autant de sens profond. En fait, à qui ressemblent ces personnages fragiles et loufoques qui semblent souvent droit tombés du ciel ? Mais oui, c’est bel et bien nous-mêmes !
Martin Danes, écrivain


L’auteur

Après avoir été comédien, recenseur de cimetière, agent d’assurance, vendeur d’abonnements chez France-Loisirs, laborantin dans une beurrerie, etc., Henri Girard se mit au travail — sérieusement, affirme-t-il — gagnant ses galons de « déhèrache » dans une grande entreprise.

Sentant la retraite arriver, il s’est peu à peu voué au livre, tant comme romancier et nouvelliste que, un peu plus tard, comme conseiller littéraire.
Par ailleurs, vaillant défenseur du point-virgule et de l’imparfait du subjonctif, plus généralement de la langue française, il milite dans des associations qui s’y consacrent.
Il éclaire, à travers son travail littéraire, ce que le quotidien recèle de décalages, de grains de sable. Alors sa plume fouille, sonde pour en extirper sourires ou émotions.
Il possède avant tout l’appétit insatiable d’un gai curieux. L’amour qu’il porte à ses personnages — souvent de petites gens de son terroir bas-normand — est servi par une langue truculente, très travaillée.
À l’instar de René Fallet qui disait user d’une veine « beaujolais » pour ses romans cocasses et d’une veine « whisky » pour ceux plus dramatiques, l’œuvre de Henri Girard –romans ou nouvelles -, origines obligent, est irriguée par le cidre bouché où par le calvados hors d’âge, selon son humeur littéraire.

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Nous avons vérifié que ce livre était gratuit le 18 août 2017 - 03:11 Détails de l'offre