Il était grand, beau, athlétique et sûr de lui. Son visage sculptural n’était que faiblement altéré par la présence occasionnelle d’une coupure de rasage. Sa démarche était énergique et assurée, et il semblait que tout ce qui l’habillait eût été créé spécialement pour lui. Il ne portait d’ailleurs que des vêtements de marque, ceux qu’on ne trouvait que dans les grandes villes. J’en étais venu à remarquer que même sa dentition était parfaite, dans ma recherche désespérée d’un quelconque défaut sur son apparence. Sa rencontre allait me changer à tout jamais.

Il doit sembler que j’éprouvais une admiration mal déguisée pour lui. A la vérité, il y a certaines personnes qui entrent dans votre vie, et le simple fait d’être à côté d’eux vous fait vous sentir inférieur, misérable. Certains diraient que j’exagère, mais une chose est sûre, j’étais très différent de lui. J’étais un adolescent, comme lui, avec peut-être un an de moins ; mais moi, j’étais un garçon ordinaire, de taille moyenne, qui avait de la peine à coiffer sa tignasse brune et livrait une bataille incessante à ses boutons d’acné. En fait, ce n’est qu’après l’avoir côtoyé que je réalisai à quel point j’étais ordinaire. Je n’avais pourtant pas à me plaindre de grand-chose ; j’avais quelques amis avec qui je passais de bons moments, je me débrouillais pour avoir la moyenne au lycée. Et il y avait aussi cette fille, qui était ce qu’il y avait de moins ordinaire chez moi.

Cette fille, c’était ma petite amie, Isabelle. C’était l’une des plus belles du lycée. Comment un garçon aussi ordinaire que je le prétends avait réussi à séduire une fille pareille ? Les vacances d’été avaient été fructueuses. Nous faisions un stage au même endroit, et nous avons appris à nous connaître, alors qu’au lycée, nous ne nous adressions jamais la parole. Elle avait un visage de poupée, des cheveux blonds longs et onduleux, une voix délicieuse et un goût prononcé pour le chocolat. J’aimais sa spontanéité, son insouciance, et je ne pouvais m’empêcher de sourire quand je la voyais. Et j’étais attiré par elle, autant que les hormones de l’adolescence me le dictaient. En d’autres termes, j’étais follement amoureux.