<< Différente. D’aussi loin que je m’en souvienne je me suis toujours sentie ainsi. Je me rappelle m’être demandée des milliers de fois si on ne m’attendait pas dans un autre lieu très loin d’ici. Je me disais que ce monde qui m’entoure n’était qu’un leurre ou, peut-être, le désirais-je seulement très fort ?"
Je me souviens avoir été laissée de côté par mes camarades, ne possédant pas les mêmes centres d’intérêts puérils. Mes parents souffraient pour moi de cette solitude avérée. Si seulement ils avaient compris que cette indifférence ne me causait aucune peine, seule l’incompréhension de ma propre existence réait une blessure béante qu’ils ne pouvaient deviner. Pourtant, pour les satisfaire, je pris très vite l’habitude de jouer à la perfection le rôle que l’on souhaitait m’attribuer : celui d’une enfant « normale ».
Au fil des années, je finis par jouer aisément la jeune fille parfaite intéressée par chacun et heureuse de vivre. Ma mère en fut très satisfaite, mon père également même si je crois qu’il ne fut jamais dupe de ce changement. Il arrivait à déceler mon mal-être derrière le plus puissant de mes rires. Cependant, il n’en parla jamais, se complaisant dans ces faux-semblants. Ainsi, ma vie passa. Je n’étais pas malheureuse pour autant, choyée par mes proches et suivant des études, chemin tout tracé. Il m’arrivait quelques fois de ressentir une douleur plus profonde quand, entourée de personnes indifférentes ou ignorantes de mon mal, je me sentais totalement invisible comme si j’étais simplement observatrice de ma vie et non plus protagoniste. A cet instant, je rêvais de m’éteindre pour laisser mes masques de normalité et chercher un sens à mon existence.
C’est pour cela que je me réfugiais très souvent dans mon endroit favori : au fond du bois situé à proximité de la demeure parentale. Dans ce lieu paisible se trouvait une clairière avec, en son centre, un saule pleureur immense. J’adorais m’abriter sous ses branches et m’adosser à son tronc. Lorsque nous nous disputions, mes parents n’avaient aucun mal à me retrouver dans cet endroit tranquille.
[...]
Une voix. J’eus l’impression d’entendre une voix mais je refusais d’ouvrir les yeux. Comme à chaque fois, je désirais rester dans mon sommeil éphémère plutôt que d’affronter une nouvelle journée. Pourtant, la voix parut plus insistante et étrangement familière. C’est seulement à la quatrième reprise que je distinguais clairement ses paroles : « Eveille-toi ». Alors, étonnée par ces propos, j’ouvris les yeux. >>
Sarah se retrouva ainsi plongée dans un univers proche du sien et pourtant si différent. Avec de multiples rencontres et de poursuites répétées, la jeune femme deviendra malgré elle le symbole d'une rébellion qui tardait à arriver. Son parcours la conduira même à comprendre sa réelle identité mais elle ne maîtrisera pas le prix à payer...