Les grandes invasions du Ve siècle ont tout balayé sur leur passage : habitations, monuments, ouvrages d’art, toutes les formes de culture et d’administration, au point que les habitants de l’Empire romain qui, au IIIe siècle refusaient de voir sa désagrégation, croient cette fois la fin du monde arrivée. Passés sans transition de l’aveuglement au désespoir, ils ne peuvent se rendre compte que des germes de renaissance existent cependant. Alors que le christianisme des premiers âges apporte une nouvelle conception de l’homme, condamnant radicalement l’ancienne culture, il rencontre un monde barbare qui n’est pas une civilisation finissante mais au contraire pleine d’énergie et de virilité. Les barbares ont, soulignent les historiens, de l'élan, du courage, un vif sentiment de l'honneur militaire mais, comme la plupart des peuples primitifs, ils sont dominés par des instincts de ruse et de violence. Tacite indique, à propos des Germains, qu’« il leur semble lâche d’obtenir par la sueur ce qu’ils peuvent posséder par le sang. » Le caractère unique, probablement inédit dans l’histoire de l’humanité, de la civilisation de l’Occident, vient de la conjonction de deux façons d’inciter l’homme à se dépasser. Apparue en Palestine, une pensée nouvelle exhorte l’individu au sacrifice par le moyen de la sainteté. Venue du nord, une autre conception le pousse à se réaliser dans l’héroïsme et la bravoure. Ces deux manières d’appréhender l’existence se sont réunies en une commune croyance en l’avenir, seule façon de fuir un présent la plupart du temps terrible. À un stade ultérieur de son développement, l’étrange alchimie intégrera dans son processus d’évolution les grandes leçons léguées par la Rome de la haute époque. L’ensemble a permis de construire une civilisation qui a rayonné sur l’ensemble de la planète et qui dure depuis deux mille ans, plus longtemps qu’aucune autre de celles que nous connaissons. À un stade ultérieur de son développement, l’étrange alchimie intégrera dans son processus d’évolution les grandes leçons léguées par la Rome de la haute époque. L’ensemble a permis de construire une civilisation qui a rayonné sur l’ensemble de la planète et qui dure depuis deux mille ans, plus longtemps qu’aucune autre de celles que nous connaissons. Ainsi que le note Pierre Chaunu c’est l’écriture, contrairement à ce qui s’est produit en Égypte, qui a sauvé la civilisation. Au siècle des Antonins, précise-t-il, 20 % de la population savait lire mais, après les grandes invasions, ce pourcentage ne dépasse pas 0,01 %. Les seuls qui savent lire, alors, sont les clercs.
Mais la civilisation romaine était parvenue au terme de son évolution. Elle était usée, fatiguée, épuisée. Sans le renouveau provoqué par la conjonction de la brutalité des Germains et par le christianisme la civilisation aurait certainement disparu. Il s'est produit en France une conjonction presque miraculeuse entre la brutalité et la virilité germanique et le catholicisme. Cette fusion a donné naissance à ce qu'il faut bien appeler la civilisation française. Comme toutes les civilisations, elle a eu sa jeunesse, son âge adulte et elle connaît aujourd'hui sa vieillesse. Quand a commencé le déclin ? Pour ma part je situe l'apogée de la puissance française en 1678, au traité de Nimègue. Après cela le règne de Louis XIV va décliner. Il y aura encore de belles pages d'histoire écrites mais, insensiblement, irrésistiblement, les germes de décadence vont se développer. Ils seront plus nettement affirmés en France que dans les autres pays européens. Juste retournement des choses : notre pays n'avait-il pas été le plus puissant dès le règne de Philippe le Bel? En guillotinant l'héritier de la lignée royale qui avait construit la France, n'avons-nous pas sapé nos fondations ?