40 000 kilomètres plus loin: I. Enfants terribles

 « Eleanor est descendue avec notre fils dans les bras. Il faisait la moue et se frottait les yeux. Le pauvre. Il avait le regard de sa mère, mais il adoptait un rythme circadien proche du mien. Autrement dit, il n’était pas du matin. Mais bon, il n’avait que deux ans. Et cette faculté d’ignorer les nombreux appels du soleil allait bel et bien disparaître de son tempérament avec les années. Ce jour-là, dès qu’il m’a vu de ses yeux gonflés de sommeil, il m’a souri. Eleanor et Thomas étaient ce que j’avais de plus cher au monde, et j’allais devoir les quitter pour trois mois. Mon fils, initialement un tas de viande fripée hurlant constamment à la mort et tombé de nulle part avec fracas dans ma vie, devenait réactif à ce qui l’entourait. Non, plutôt, je devenais réactif à lui. Il m’avait apprivoisé. Il grandissait à une vitesse vertigineuse et il commençait à baragouiner quelques mots d’anglais et de français. Je savourais chacune de ses évolutions.


J’en avais ma claque de passer la moitié de mon existence sur les routes. Plusieurs fois, j’ai pensé à arrêter ma carrière à cette période. Ou du moins à limiter les tournées. Mais l’appel du rock and roll était encore trop fort. Et j’avais besoin de me défouler, de rassasier ce feu qui me brûlait de l’intérieur, cette insatiable fougue qu’il fallait sans cesse alimenter. » – Tim Dalrey

« Tim, mon père, était l’incarnation même de cette dernière génération de fous inconscients, de ces enfants-rois issus d’une classe moyenne relativement aisée, et qui pensaient avoir droit à tout sans devoir se soucier de ce qui les entourait.

Comme tous les autres, il savait qu’il infligeait trop de torts à sa santé. Mais il fermait les yeux, pour continuer à célébrer un présent qu’il croyait éternel. Il entendait aussi parler des catastrophes nucléaires, des épidémies, du cancer, des dettes publiques hallucinantes, de la flambée des prix de l’immobilier, de l’éducation ou des matières premières. Mais il détournait les yeux de l’ingérence désastreuse de pays qui se souciaient des problèmes des autres sans oser se regarder eux-mêmes dans le miroir. A lui seul, et comme tous ces autres animaux égocentriques que rien ne parvenait à ébranler, il s’habillait de l’insouciance qui recouvrait cette génération perdue.

Les frères Oldham n’étaient pas beaucoup plus jeunes que lui. Mais ils étaient des pionniers. Leurs idées, d’abord souterraines, furtives,...


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