LA PÉNALISATION DES CLIENTS CONDAMNE-T-ELLE DES INNOCENTS ?

Une conséquence de la loi N° 2016-444 du 13 avril 2016 « visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel » a été peu remarquée et peu commentée : c'est le fait qu'elle introduit un traitement discriminatoire entre les personnes prostituées et les personnes clientes. Si ce fait n'a surpris personne, c'est parce que cette discrimination a paru à tous « une évidence ». N'est-il pas évident que les clients sont les seuls fautifs, les seuls coupables ? Cela a semblé d'autant plus évident que la France n'est pas la premier pays a instituer une législation discriminatoire. Une législation de ce type existe déjà en suède depuis 1999. Par suite, les choses se passent comme s'il existait en droit français un adage qui dirait : « Qui dit suédois, dit juste ». A partir du moment où la discrimination est un « modèle » scandinave, il n'est plus nécessaire de se poser la moindre question.

De plus, étant donné que l'immense majorité des personnes clientes sont des hommes, nous pourrions avoir le sentiment que la loi n'introduit pas seulement une discrimination entre les personnes prostituées et les personnes clientes, mais carrément une discrimination sexiste. J'en veux pour preuve que si l'on parle parfois de « personnes prostituées » ou de « prostitué-e-s » afin de bien montrer qu'on ne veut faire aucune discrimination en fonction du sexe et que l'on tient compte d'une minorité assez importante d'hommes prostitués, je n'ai jamais vu nulle part (sauf dans le paragraphe précédent, bien sûr) l'expression « personne cliente » ou la graphie « client-e-s ». Chacun écrit directement et sans autre forme de procès : les clients.

Si nous soulevions impertinemment la question du sexisme (je vous rassure, cela n'est jamais arrivé), on nous répondrait inévitablement que la loi de pénalisation des clients ne présente absolument aucune caractère sexiste. Il suffit de lire le texte de l'art. 611-1 qui punit les clients pour vérifier qu'il ne fait aucune référence au sexe de la personne cliente. Art. 611-1 : « Le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir des relations de nature sexuelle d'une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, en échange d'une rémunération, d'une promesse de rémunération, de la fourniture d'un avantage en nature ou de la promesse d'un tel avantage est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe. ». Vous le constatez par vous-mêmes, l'article dit « le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir », sans aucune précision du sexe de la personne qui sollicite, accepte ou obtient. Est-ce sa faute si la tartine tombe systématiquement sur le côté où il y a la confiture ? Je vous rappelle en outre que la pénalisation des clients vient de suède, le temple du féminisme. Oseriez-vous insinuer qu'une loi d'inspiration féministe pourrait être sexiste ? Non, bien sûr. Alors le débat est clos.

Il n'en reste pas moins que si la loi n'introduit aucune discrimination sexiste, elle introduit tout de même une discrimination en fonction des rôles des acteurs de la prostitution. Les personnes prostituées ne sont pas pénalisées, alors que les personnes clientes le sont. Pour justifier la répression pénale contre les clients des prostituées, les promoteurs de la loi N° 2016-444 du 13 avril 2016 ont mis en avant un nombre considérable d'arguments : s'il n'y avait pas de demande, il n'y aurait pas d'offre, la prostitution serait contraire au principe de l'égalité entre les sexes, elle serait contraire au principe de non patrimonialité du corps humain, etc. L'inconvénient de tous ces arguments, c'est qu'ils ne justifient pas la discrimination.

Prenons un exemple, l'atteinte au principe de non patrimonialité du corps humain. A supposer qu'un client qui paie une prostituée achète un être humain, comme on nous le dit, le vendeur de l'être humain n'est-il pas la prostituée elle-même ? Les parlementaires ont justifié la création d'un délit de recours à l'achat de services sexuels par

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